Avant-Propos
Ces journaux ont été écrits à la fin du XIX ème siècle,
et ne sont pas à lire avec les yeux, et opinions, du XXI ème.
Il s’agit des écrits d’un officier catholique «colonial».
On trouvera donc les journaux d’un homme, militaire, strict, précis,
mais toujours très soucieux de la santé des hommes qui lui sont confiés,
et qui, tout en suivant scrupuleusement ses ordres,
et étant très exigeant, critique très librement et très vertement
ses chefs, surtout lorsque leur ambition ou leur incurie provoquent
des pertes inutiles.
Il est très patriote, adule le drapeau, et surtout il a la plus haute estime
pour l’infanterie de marine.
Il s’impose dès le début et presque d’instinct, des règles d’hygiène
alimentaire très strictes, il ne boit que de l’eau bouillie (du thé),
très peu d’alcool. Il recherche toujours des fruits et des légumes
frais dans les régions traversées. Il aime bien manger et sait se préparer
ou se faire préparer des repas de qualité.
C’est à ces régles d’hygiène qu’il attribue son excellente santé.
Par exemple, lors de l’expédition de Madagascar, catastrophique
sur le plan sanitaire, il sera l’un des seuls militaires
n’ayant pas eu à souffrir de la moindre fièvre ou maladie.
Le déroulement de sa carrière l’a peu souvent amené
à utiliser les armes.
Il arrive en Nouvelle-Calédonie à la fin des hostilités
et se voit confier des missions de topographie
et de cartographie très importantes.
Par contre au Tonkin et surtout à Madagascar, où il fait
partie de la colonne légère qui a marché
sur Tananarive, il essuiera quelques tirs.
En Crète, on lui confiera une mission de pacification
entre les communautés grecques et turques, qu’il accomplira
avec bonheur et une grande réussite, ce dont les Crètois ont gardé,
encore aujourd’hui, le souvenir.
Il apprécie peu les intrigues. C’est ce qui semble être à l’origine
de son départ à la retraite.
La «tradition familiale», veut que sa démission soit liée à «l’affaire des fiches», fichage
des officiers catholiques et de leurs pratiques religieuses, organisé par le ministre
de la guerre Louis André, et confié aux francs-maçons de la Loge
du Grand Orient de France.
Le Général Bordeaux évoque sa santé comme cause de son départ à la retraite.
Il est avéré qu’il avait contracté la paludisme lors de son séjour à Sitia et qu’à son retour
en France on lui prescrira des traitements et des séjours en cures.
Il est possible que le problème de santé soit un prétexte à une démission causée
par un motif plus «politique», surtout qu’il a vécu, apparemment sans grand problème jusqu’à l’âge de 88 ans, plus tard que la plupart des autres officiers de la Coloniale.
En effet, les dernières années, en tant que Commandant des Forces Internationales
en Crète, il a eu des problèmes incessants dans ses relations avec le Prince Georges
et son entourage.
Peu à l’aise dans ces démêlés politiques, et parvenu à suffisamment d’années de service
hors de France pour faire valoir ses droits à la retraite, il est probable
qu’il a préféré se retirer en Juin 1904 et ne pas accepter de renouveler
son mandat comme cela le lui avait été proposé.
Ses descriptions de paysages sont tout à fait étonnantes, détaillées et justes,
et sont là aussi typiques de cette époque, avant que la photographie rende obsolètes
ces narrations détaillées. Il y montre aussi son œil de peintre, qu’il utilisera avec bonheur pendant sa longue retraite. Il agrémente assez souvent ses carnets de notes,
de petits croquis pris sur le vif et il reprend ses pinceaux et ses toiles,
dès qu’il en a le loisir.
Sa passion reste la géodésie et le tracé des routes. C’est d’ailleurs dans ce domaine
qu’il a laissé le plus de traces, encore visibles aujourd’hui au Viet Nam et en Crète.
Curieux de tout, il s’intéresse beaucoup aux mœurs locales qu’il décrit souvent
avec précision.
Il essaie d’apprendre toutes les langues. Il parlera assez vite l’annamite,
puis en Crète il apprendra et pratiquera très correctement le grec.
Il s’intéresse beaucoup à la nature, à la géologie, aux fossiles
et aux recherches archéologiques.
En Crète il rencontre des «sommités» de l’archéologie, il interdit
les fouilles sauvages. A un autre moment, il envoie en France des branches
d’oliviers malades pour les faire analyser, il interdit aussi l’écorçage des pins
afin de protéger les forêts.
Il évoque souvent les forêts et les paysages de Provence où il habite,
et en a souvent la nostalgie lors de ses séjours loin de France.
D‘autre part il est très «militaire», parle peu de ses ennuis éventuels de santé,
s’inquiète beaucoup de son avancement, de ses décorations et de sa paye.
Il parle assez peu de sa famille.
Les carnets tels qu’ils nous sont parvenus :
Émile Honoré DESTELLE (1856-1944)
Il naît le 12 Janvier 1856 à Agde, où son père Barthélémy
est contrôleur des Douanes.
Il fait ses études à Agde, puis au Lycée de Nîmes.
Il entre à Saint-Cyr, où il fait partie de la «Grande Promotion» (1874-1876).
A Saint-Cyr
A sa sortie de Saint-Cyr, il choisit l’Infanterie de Marine. Il accomplit alors
une carrière «coloniale» : Nouvelle Calédonie, Cochinchine, Tonkin,
Madagascar, puis internationale lors de la tutelle quadripartite de la Crète.
Missions topographiques en Nouvelle Calédonie
E.H. Destelle au centre
Il se fait apprécier comme officier de Troupe ou d’État-Major, organisateur, topographe, constructeur de route. Au Tonkin il s’affirme comme un diplomate ferme et habile.
A Madagascar il est le premier Major de la garnison de Tananarive.
Pendant l’occupation internationale de la Crète, Lieutenant-colonel, il est de 1897 à 1898,
le Chef du secteur français à Sitia puis à Hierapetra.
Puis de Juin 1901 à Juin 1904, Colonel, il est Commandant Supérieur des troupes internationales à La Canée.
En Juin 1904, il est pressenti pour prolonger son mandat,
mais il ne peut accepter en raison de son état de santé.
Il demande sa mise à la retraite au mois de Décembre suivant.
Pendant la Grande Guerre, il offre ses services et commande
un important détachement de travailleurs coloniaux.
Il est fait Commandeur de La Légion d’Honneur en 1920.
Il consacre sa longue retraite à sa famille, à des études historiques,
et surtout à la peinture qu’il pratique avec grand talent.
Dans son atelier avec deux de ses filles
Margot et Jeanne (années 30)
Il meurt à La-Valette-du-Var le 16 Août 1944.
© Copyright 2010- Jean-Pierre Destelle