E.H. DESTELLE               Crète                 1897 - 1904

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Maroussia, le 16 Janvier 1898

L’évêque Ambrosios écrit à E.H Destelle pour qu’il lui pardonne

les derniers incidents, et qu’il accepte de venir fêter l’Épiphanie.

Traduction de E.H. Destelle lui-même.





À sa générosité le lieutenant-colonel commandant le cercle de Sitia.


Générosité,


Depuis que le premier homme, Adam, a été créé, il a fallu entre Dieu et les hommes un médiateur qui fut l’homme-Dieu (Jésus-Christ) qui a réconcilié la divinité avec l’humanité.


À l'imitation de ce saint exemple, lorsque deux empires, deux royaumes, deux autorités ont un différend entre eux, aussitôt, une troisième autorité intervient pour établir l'accord entre les deux parties.


J’ai appris ce qui s'était passé, il y a quelques jours, dans ma province : le vol de bœufs par des paysans du village d’Achadia, sur l'instigation d’étrangers, qui ont amené les bœufs volés hors de la province et le fait regrettable qui s’est passé à Sitia.


Aussi, imitant le saint exemple qui nous vient d'en haut, je me présente comme médiateur et viens vous adjurer, au nom de votre noble nation d’oublier ces deux événements.


Premièrement, il ne faut pas croire, en effet, que ces méfaits sont dirigés contre vous, qui êtes les protecteurs de la province, et les gens qui ont tiré l’ont fait pour ne pas être pris, ne sachant le sort qui les attendait.


Deuxièmement, il ne faut pas croire non plus qu’il y ait un seul homme qui approuve ces actes coupables et je vous assure que le comité a assez d’autorité et assez de force pour protéger le peuple, mais il pense que ce serait engager une lutte entre les partis qui serait funeste à tous.


Aussi, devons-nous et c’est là l’essentiel, rester en bons termes entre nous.


Vous, nobles français, vous avez la mission de gouverner un peuple bon et docile au milieu duquel se trouvent peu de mauvais sujets qui d’ailleurs, sont poussés à commettre des méfaits par des étrangers à la province ou par la misère.


Nous, les plus heureux, sommes protégés par vous qui êtes nobles et très intelligents et qui connaissez la manière de gouverner sagement.


D’autre part, vous savez dans quelles conditions nous devons vivre les uns vis-à-vis des autres afin de parvenir à maintenir entre nous la concorde et la paix.


Voyez ce qui se passe dans les quatre villes de la Crète à l’intérieur et à l’extérieur et alors vous jugerez par comparaison que nous sommes bien excusables.


Ce à quoi je tiens le plus, c’est que vous ne vous absteniez pas de prendre part à notre grande fête de l’Èpiphanie, non seulement les officiers mais également les soldats avec leur musique et les photographes avec leurs appareils, car il y aura de nombreux sujets à prendre et à publier.


En effet, ce qui se passera dans ma province de Sitia n’aura pas son équivalent dans aucune autre ville de Crète.


Il en résultera un grand retentissement et la plus grande part en revient à la noble nation française sous la protection de laquelle nous célébrons aujourd’hui avec tant de solennité et d’éclat cette grande fête. La description de cette imposante cérémonie vous sera donnée pour que vous l’envoyiez où vous voudrez.


Dans cette assurance, je vous demande mille fois pardon au nom du comité, du peuple et de tous ceux qui vous ont occasionné quelque ennui, pour la noble nation française, pour son excellence Monsieur l’amiral Pottier et pour vous, et vous voudrez bien nous pardonner tous et vous vous joindrez à nous, si Dieu et le temps le permettent, pour célébrer la fête de l’Èpiphanie avec le plus grand éclat possible et je vous remercie à l’avance au nom de tous.


Je suis, en Maroussia le 4/16 janvier 1898.

Évêque Hieronitias Ambroise.


Qui donne sa bénédiction à toute la noble nation française et à sa générosité.



© Copyright 2010- Jean-Pierre Destelle