Ierapetra - 13 Novembre 1898. Dimanche.

Ce matin, une grande activité règne en ville pour l’embarquement des bagages des troupes. Tout ce que l’on charrie sur la grève est innombrable. L’inventaire du matériel est terminé.

Le Kologasi en reçoit un exemplaire, et moi un autre. Le Kologasi et le médecin des troupes viennent me faire leurs adieux. Je donne au Commandant une lettre de bons services ainsi qu’au vieux Capitaine de Gendarmerie.



Hierapetra modif 6
La garnison turque attendue
Capitaine Tellier - Lieutenant-Colonel E.H. Destelle



À 2h00 du soir, tout est prêt. J’envoie un peloton de la 4e Compagnie sur la plage, au point d’embarquement pour rendre les honneurs.

J’ai moi-même assisté à l’embarquement. Peu de monde sur la plage, quelques curieux seulement.

Les officiers turcs sont là ; on les entoure. Les vieillards surtout, paraissent navrés de leur départ. On leur embrasse les mains.

Le peloton français est placé face à l’Ouest prés de la douane. Tous nos jeunes officiers photographes sont munis de leurs appareils. Les troupes turques arrivées, défilent devant les nôtres qui présentent les armes pendant que les clairons sonnent “La casquette”.


La casquette du Père Bugeaud :



Hierapetra modif 5
Honneurs rendus aux soldats turcs

Les troupes turques font front et présentent les armes aux nôtres. Ce spectacle est assez original, de ces deux troupes se rendant les honneurs au moment où l’une expulse l’autre.


Hierapetra modif 4
En attendant l’embarquement

L’embarquement commence aussitôt dans des caïques que nous avons loués.
La mer est assez agitée par le vent du Nord qui est très frais, et la lame brise sur les embarcations et mouille tout le monde.

Hierapetra modif 1
Détachement embarquant pour le « Condor »


Dès que les troupes sont embarquées, nous procédons à l’embarquement des officiers et de leurs femmes dans la baleinière. Le médecin a sa femme et sa fille. Cette dernière est à peine voilée et est fort jolie. D’ailleurs ce ne sont pas des Turques, mais des Chrétiennes élevées à la turque.
Le Capitaine de Gendarmerie est amusant. Il a son chat sur les bras et ne le lâche pas, même en embarquant. Il va sans dire que tous les objectifs sont braqués sur lui.

Hierapetra modif 3
Embarquement des femmes des officiers turcs

Pendant la traversée de la plage au “Condor”, nous sommes complètement mouillés par les embruns. Le chat fait grise mine à chaque douche, et menace même de se fâcher.

Le Capitaine de Gendarmerie éprouve toutes les peines du monde à le maintenir dans ses bras.
À bord le spectacle est des plus pittoresques. Les bagages obstruent complètement le pont. Pour embarquer, ce n’est pas chose facile mais on y arrive quand même.
Le pont du navire est complètement envahi par les soldats et les familles turques. On en fait passer sur la dunette.

Le Commandant du “Condor” me photographie avec les officiers turcs. Je souhaite bon voyage à tout le monde et je retourne à terre, pendant que le navire appareille.

Pasted Graphic



Nous nous rendons à la citadelle où flotte le dernier pavillon turc que nous amenons dès que le “Condor” est assez éloigné. C’est Latapie qui fait le timonier. Le poste rend les honneurs avec le clairon que j’ai fait envoyer.


Hierapetra modif 2
Le drapeau turc amené après le départ des troupes
Lieutenant de Vaisseau Latapie (au drapeau) - Lieutenant-Colonel E.H. Destelle (de dos)


J’ai fait apporter le pavillon chez moi. Monsieur Zeil prend quelques photographies.
L’Évêque et les notables sont venus me remercier, au nom de la population chrétienne.
Ils m’invitent, en outre, à une grande cérémonie qui doit avoir lieu, mardi prochain, dans l’église Saint-Georges.